Informatique

Ubuntu est-il enfin en route vers le succès ?

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Cette fois c’est terminé. Après un mois de crowfunding, Canonical n’est pas parvenu à réunir les 32 millions de dollars nécessaires pour financer son smartphone Ubuntu Edge, la somme réunie s’élevant « seulement » à 12 813 501 $.

Un échec sommes toutes prévisible, mais s’agit-il vraiment d’une défaite pour l’équipe de Mark Shuttleworth ? Pas forcément, il se pourrait même qu’il s’agisse du début de succès pour un système d’exploitation alternatif bien connu dans le monde informatique : Ubuntu.

 

Ubuntu, une distribution Linux à part

Créé en 2004 par Mark Shuttleworth (un millionnaire sud-africain philanthrope) et supporté par sa société Canonical, le projet Ubuntu était destiné à proposer une distribution Linux simple d’accès pour le grand public, capable de rivaliser avec Windows et OS X. Une de plus me direz-vous, car d’autres s’étaient déjà lancés sur le créneau (Mandriva, Novell etc…).

Le fait est qu’au rythme de deux versions par an, Ubuntu a fait son petit bonhomme de chemin et a fini par devenir la distribution Linux la plus populaire et la plus utilisée dans le monde. Un succès dû bien entendu à sa simplicité d’utilisation, mais aussi et surtout à la bonne compatibilité du système avec le monde propriétaire.

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Sur Ubuntu, il est en effet particulièrement aisé d’installer des pilotes, codecs et autres plugins propriétaires indispensables pour lire les fichiers utilisés par le commun des mortels, notamment les mp3, les divx, les vidéos flash etc. En dépit de son soutien au logiciel libre, Mark Shuttleworth a toujours pensé qu’il fallait absolument garantir la compatibilité de son système avec les formats de fichiers usuels, sans quoi l’OS n’aurait aucune chance de décoller.

Une idéologie pragmatique qui lui a donné raison : si Ubuntu est encore loin de la popularité de Windows et même d’OS X, plusieurs constructeurs proposent aujourd’hui des modèles d’ordinateurs embarquant la distribution Linux, et celle-ci bénéficie même d’un traitement de faveur de certains éditeurs de logiciels propriétaire. La plate-forme de jeu Steam, récemment portée sous Linux en raison de l’aversion de Gabe Newell pour Windows 8, a ainsi été optimisée pour fonctionner avec Ubuntu.

Depuis quelque temps, Ubuntu semble s’éloigner de plus en plus des autres distributions Linux en concevant une expérience totalement unique, tout en restant libre. Le développement de l’environnement Unity, le futur abandon du système graphique Xorg ou encore l’ajout de nouveaux services tels qu’Ubuntu One et Ubuntu Music vont dans ce sens.

Désormais, Ubuntu voudrait conquérir un nouveau marché, celui des smartphones et des tablettes.

 

Ubuntu for phones

Au CES 2013, Canonical fit sensation en présentant une nouvelle version d’Ubuntu destinée à fonctionner sur les appareils mobiles. L’interface, dont le style reste fidèle à la version PC, propose une ergonomie totalement inédite et bien pensée qui a su impressionner les journalistes présents sur place. L’entreprise de Mark Shuttleworth a également présenté une application permettant d’exécuter Ubuntu depuis son smartphone Android sur un ensemble écran / clavier / souris externe : chacun peut ainsi emporter son PC partout.

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Pour la première fois, Ubuntu a connu une visibilité relativement importante en dehors du milieu purement geek et high-tech. De nombreuses publications plus généralistes ont en effet parlé de l’OS libre, ce qui n’avait que peu été le cas auparavant. Une nouvelle étape venait d’être franchie.

Reste que pour espérer percer sur le marché ultra saturé des écrans tactiles portatifs, l’idéal est d’avoir un smartphone haut de gamme capable de jouer les portes étendards. C’est ici qu’intervient l’Ubuntu Edge.

 

Ubuntu Edge, le porte étendard

Le 22 juillet 2013, Mark Shuttleworth dévoilait l’Ubuntu Edge, un nouveau smartphone haut de gamme que l’entrepreneur souhaita faire financer par le crowfunding.

Le terminal arborait un design sobre et classieux, ainsi que des caractéristiques alléchantes : 4 Go de mémoire vive, 128 Go de stockage (!!!), un écran 4.5 pouces haute définition et un dual boot Ubuntu / Android. Ce téléphone devait en outre être réservé aux seuls contributeurs du projet.

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Malheureusement, aussi efficace que peut (parfois) l’être le crowfunding, l’objectif à atteindre était tout simplement démesuré : 32 millions de dollars à rassembler en seulement un mois ! C’était pourtant la somme à réunir pour pouvoir produire le terminal en grande quantité. Le pire au fond était certainement le fait de devoir débourser 600 € de sa poche pour acquérir un smartphone devant sortir un an plus tard, à une époque où des concurrents pourraient avoir sorti de nouveaux téléphones bien plus attrayants. L’opération s’est donc soldée par un échec… relatif.

L’Ubuntu Edge a en effet battu un record : jamais une opération de la sorte n’avait été financée à hauteur de près de 13 millions de dollars ! Un succès inédit, surtout pour un projet open source. De plus, la distribution Linux a une nouvelle fois atteint des sommets en termes de visibilité, car presque tout le monde en a parlé. Si la somme à réunir n’avait pas été aussi importante, le sujet aurait certainement moins buzzé.

J’en viens même à me demander si finalement, l’objectif principal n’était pas simplement de faire connaître Ubuntu à un public plus large ; si tel était le cas, l’opération n’est donc plus un échec mais une réussite.

Ceci permet également d’aborder le sujet le plus épineux, qui risque de devenir rapidement un problème majeur pour Canonical : l’argent.

 

Ubuntu aura il les moyens de ses ambitions ?

L’argent et l’open source, c’est toujours une affaire compliquée. Comme se plaisent souvent à le rappeler les libristes, « libre » n’est pas synonyme de « gratuit ». Il est ainsi possible de vendre un logiciel libre, du moment que les sources sont fournies.

Là où le bât blesse, c’est qu’un acquéreur du logiciel libre a tout à fait le droit de changer les logos commerciaux, de recompiler puis de redistribuer le même logiciel gratuitement, anéantissant au final les revenus de l’éditeur original. C’est pourquoi la majorité des entreprises proposant des solutions open source choisissent de se rémunérer avec des services associés à un logiciel qui lui reste gratuit (par exemple, un support technique professionnel).

Ubuntu n’échappe donc pas à cette problématique. Sur le site, il est clairement indiqué que le système restera toujours libre et gratuit, et que chacun a la possibilité de le faire partager à ses proches ; Canonical ne peut donc pas espérer de rentrées d’argent par ce biais. L’entreprise a ainsi lancé plusieurs services, comme par exemple Ubuntu One et Ubuntu Music. Le problème, c’est que ceux-ci sont peu compétitifs face aux ténors du secteur, qui proposent même parfois des applications Linux (c’est le cas de Dropbox).

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Inutile de dire que si Ubuntu souhaite se faire une place sur le marché hyper saturé des systèmes mobiles, les maigres revenus de ces services ne suffiront pas, loin de là. Les concurrents eux, n’ont pas ce problème : Google génère d’énormes revenus publicitaires, Microsoft amasse de grosses sommes d’argent grâce aux licences Windows et Office, et Apple engrange une véritable fortune grâce à des marges importantes et à une boutique d’application qui marche du tonnerre.

Comment rivaliser avec pareille oligarchie ? Canonical peut décider de retourner sa veste et de rendre payant son système d’exploitation, mais cela n’est pas vraiment efficace dans le cas d’un logiciel libre, ou bien d’intégrer des applications / services sponsorisés qui permettront d’assurer des revenus tout en maintenant le système gratuit.

Dans les deux cas, Ubuntu perdrait son âme, car son objectif est justement de proposer une vraie alternative : un système gratuit et libre, et pas un OS payant ou bourré d’adware en tout genre. Il va donc falloir trouver une autre solution.

Mark Shuttleworth va-t-il réussir son pari ? C’est tout le mal que je lui souhaite, en ces temps d’espionnage et de marchandage de la vie privée, un système libre aurait plus que jamais sa place…

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